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Lait
Volume 13, Number 127, 1933
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Page(s) | 817 - 843 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/lait:193312747 |
DOI: 10.1051/lait:193312747
Sur la recherche du Bacterium Coli dans le lait (Fin.)
J. PIENa, J. BACHIMONTa and R. FILHOLaa Ingénieur chimiste (I.C.R.), Docteur ès sciences. Directeur des Laboratoires des " Fermiers Réunis "
Résumé - 1° Teneur approximative des laits en colibacilles : Dans les laits crus on peut avoir plusieurs centaines de milliers et même plusieurs millions de colibacilles au litre ; dans les laits pasteurisés il ne doit pas y avoir de B. Coli au sortir des appareils si la température est d'au moins 65° pendant trente minutes ; si le prélèvement est fait au moment de la vente on trouve, par suite de réinfections, de 10.000 à 100.0000 coli au litre sauf dans certains laits particulièrement bien traités et vendus en récipients clos.
2° Intérêt de la recherche du B. Coli dans le lait: Il est basé sur des raisons d'ordre hygiénique et d'ordre industriel. Au point de vue de l'hygiène nous estimons qu'il n'y a pas de raison sérieuse de penser que les colibacilles qui souillent le lait puissent avoir une signification qualitative profondément différente de ceux qui souillent les eaux. Au point de vue industriel, la recherche du coli dans le lait sortant des appareils de pasteurisation est un élément de contrôle autrement précieux et significatif qu'une simple numération de germes.
3° De la sensibilité à exiger de la recherche du B. Coli dans le lait : Après la signification qualitative, la signification quantitative : au point de vue de l'hygiène le problème est loin d'être résolu ; on peut considérer comme les plus parfaits des laits qui contiennent moins de 50 coli au litre ; comme très bons ou bons (en tout cas supérieurs à la moyenne des laits de grosse vente courante) ceux qui contiennent de 100 à 1.000 coli au litre ; comme laits courants ceux qui contiennent plus de 1.000 coli au litre... Au point de vue industriel, on doit se montrer plus sévère, car un lait provenant d'une pasteurisation bien faite et suffisante ne doit pas contenir de B. Coli.
Aussi la recherche du B. Coli telle qu'on la fait d'ordinaire sur
1 cm3 (ou une fraction de centimètre cube) est tout à fait insuffisante.
Il faut pouvoir atteindre de plus grandes sensibilités. Il faut pouvoir opérer la recherche sur de gros volumes de lait (50, 100 cm3..., voire un litre). Or cette opération présente de grosses difficultés techniques que nous nous sommes proposé de résoudre.
4° Idée d'une méthode par incubation. - La recherche de traces de coli sur de gros volumes de lait exige d'abord de faire proliférer abondamment ce germe, soit qu'on veuille l'identifier directement par ses produits de sécrétion, soit qu'on veuille le repiquer en fin d'incubation pour identification ultérieur.
5° Or il est impossible de produire dans le lait lui-même des produits d'identification spécifiques du B. Coli. - Nous avons montré que le B. Coli ne donne pas d'indol dans le lait, même en présence de peptone, et nous avons expliqué ce phénomène en démontrant que le lactose s'oppose à la production de l'indol par le B. Coli.
6° Il faut donc s'attacher à faire proliférer le B. Coli d'une manière suffisante au cours d'une incubation, pour qu'un repiquage d'un petit volume (1 cm3 par exemple) emporte certainement du B. Coli qu'on identifiera ensuite.
7° Les résultats de la prolifération du B. Coli en lait stérile à 37° sont les suivants. - Un germe initial, après 8 heures d'incubation, s'est multiplié par 20.000 à 40.000, condition largement suffisante pour qu'un germe au litre, au départ, permettre des repiquages de 1 cm3 sûrement positifs.
Nous avons montré également que le temps nécessaire à une germination de B. Coli est de l'ordre de 30 à 50 minutes.
La prolifération du B. Coli en fonction du temps peut se représenter par des graphiques, si on a soin de porter en ordonnées, non pas le nombre de germes, mais les logarithmes de ces nombres à chaque instant (symbole " Lg ").
8° Ce qui est vrai du B. Coli seul en lait l'est-il encore en présence de ferments lactiques? Il faut scinder l'étude en deux parties : étude de l'influence de l'acide lactique produit et étude de l'influence des corps microbiens des ferments lactiques (concurrence vitale).
9° Influence de l'acide lactique. - Nous avons montré que la prolifération du B. Coli en lait s'arrête en présence de 4 gr. d'acide lactique libre par litre (60° Dornic dans le lait). Dans l'eau peptonée, l'acidité empêchante n'est que de l'ordre de 1 gr. 5 par litre.
Si l'acide lactique est introduit dans le lait à doses croissantes pour reproduire l'acidification spontanée des laits à l'étuve, on s'aperçoit que la gêne à la prolifération ne s'exerce que dans le cas d'acidification très rapide et seulement en fin d'incubation. Mais dans tous ces cas d'acidification artificielle la prolifération du B. Coli en 8 heures à 37° est suffisante pour permettre des repiquages positifs de 1 cm3 en fin d'incubation.
10° L'étude de l'influence des corps microbiens des ferments lactiques (en l'absence d'acide lactique libre) sur la prolifération du B. Coli a posé plusieurs problèmes de technique que nous avons résolus (maintien de la constance de la réaction pendant l'incubation, choix et réalisation des quantités de coli et de lactiques à mettre en oeuvre).
Les résultats obtenus nous montrent que la présence des ferments lactiques peut constituer dans une certaine mesure un obstacle à la prolifération du B. Coli : dans des laits où l'acide lactique ne peut apparaître, des doses de ferments lactiques de l'ordre de 200.000 à 900.000 au cm3 avec 10 à 20 germes de B. Coli au litre, s'opposent à la prolifération de ce dernier d'une manière telle qu'un repiquage de 1 cm3 en fin d'incubation n'emportera pas de coli. Pour des doses de lactiques inférieures, les repiquages sont toujours positifs avec les mêmes petites quantités de B. Coli.
11° Dans la pratique, ces deux influences (acide lactique et ferments lactiques) se superposent. - Rien ne peut permettre de prédire que ces deux influences simultanées auront un résultat égal à la somme des deux influences séparées. Il faut expérimenter directement. La technique des modes opératoires a été indiquée. Les résultats sont les suivants : des traces de B. Coli mises à incuber dans du lait en présence de ferments lactiques ne donnent lieu, après 8 heures à 37°, à des repiquages de 1 cm3 positifs que si l'acidité finale est inférieure à 85° Dornic (cas de 20 B. Coli au litre au départ), inférieure à 60-65° Dornic (cas de 12-15 B. Coli), inférieure à 55-65° Dornic (cas de 7 à 10 B. Coli).
12° Les conditions de l'incubation en présence de lactiques sont donc connues. - Au-dessus de 20 germes de B. Coli au litre avant l'incubation, les repiquages de 1 cm3 après 8 heures d'étuve à 37° emportent toujours du coli. S'ils sont négatifs, il y avait moins de 20 coli au litre. On peut affirmer qu'il y en avait moins de 10 au litre si l'acidité n'est pas montée au-dessus de 55° Dornic. On peut affirmer qu'il n'y en avait pas du tout si l'acidité n'a pas monté.
13° On peut maintenant préconiser en connaissance de cause l'incubation comme méthode d'enrichissement dans le cas de traces de B. Coli et on sait interpréter les résultats. -On pourra donc établir un mode opératoire complet embrassant la recherche de toutes les doses, même les plus faibles, de B. Coli dans un lait quelconque.
14° Quelques autres questions ont dû être précisées pour servir à l'établissement de la méthode :
Il est très mauvais d'introduire par exemple 1 cm3 de lait dans 10 cm3 d'eau peptonée pour faire proliférer le B. Coli. Il ne faut pas dépasser la concentration de 1 à 2 % de lait dans l'eau peptonée. Faute de quoi on risque de ne pas retrouver le B. Coli présent. Nous en avons donné les raisons qui découlent de nos recherches antérieures.
Nous avons également insisté sur le moyen de se débarrasser des germes indologènes autres que le coli (proteus vulgaris principalement). Nous avons étudié en détail la réaction de l'indol et montré la supériorité du réactif d'Ehrlich-Kovacs, et indiqué, avec ses limites de sensibilité, le mode opératoire optimum à employer.
15° Tous ces travaux préparatoires nous ont finalement fourni les éléments d'une méthode générale de recherche et de numération du B. Coli dans le lait dans tous les cas possibles. Cette méthode a été exposée en détail dans le présent article.
Nous croyons qu'elle pourra, par sa simplicité et sa rigueur, rendre quelques services dans l'étude bactériologique des laits et principalement des laits très purs et des laits sortant des pasteurisateurs industriels